Solo polyamour : aimer sans hiérarchie, vivre sans fusion
Un amour sans dépendance
Certaines personnes aiment profondément… sans vouloir vivre ensemble.
Sans fusion, sans priorité automatique, sans hiérarchie préétablie.
C’est l’esprit du solo polyamour : une forme de relation dans laquelle on choisit de vivre des liens multiples, sincères et engagés, tout en conservant une autonomie structurelle forte.
Le solo poly ne repose pas sur l’indifférence ou la peur de s’attacher.
Il repose sur une autodéfinition lucide, un refus des scripts relationnels imposés, et une volonté d’habiter ses liens hors des cases traditionnelles.
Une définition, plusieurs réalités
Le terme “solo polyamory” désigne une manière d’être polyamoureux·se sans intégrer ses partenaires dans une structure de vie fusionnelle ou hiérarchique.
Certain·es vivent seul·es, d’autres en colocation ou en famille choisie.
Certain·es ont plusieurs relations amoureuses, d’autres un ou deux liens profonds qui coexistent.
Ce qui les rassemble :
- une absence de “partenaire principal·e” automatique
- une préférence pour l’autonomie personnelle, y compris dans la gestion du temps, de l’espace, des finances
- une volonté de remettre en question les scripts normés du couple : vivre ensemble, se prioriser, tout partager
Pourquoi ce choix ?
Ce modèle attire souvent des personnes :
- qui ont déjà expérimenté des relations fusionnelles et n’y trouvent plus leur équilibre
- qui souhaitent garder leur propre centre de gravité sans renoncer à l’amour
- qui vivent des relations multiples et souhaitent éviter les dynamics hiérarchiques traditionnelles
La chercheuse Elisabeth Sheff (2014) décrit le solo poly comme une “pratique identitaire”, plus qu’un simple style de vie.
Il ne s’agit pas seulement d’être célibataire en ayant plusieurs partenaires. Il s’agit de redéfinir la place de l’amour dans sa vie, sans en faire l’axe unique d’organisation.
Témoignage
“Je suis solo poly non pas parce que je ne veux pas m’engager, mais parce que je veux m’engager autrement.
Mon autonomie, c’est mon socle. Ça me permet d’aimer librement, sans diluer qui je suis.
Et mes relations sont souvent plus honnêtes, plus fluides… parce que rien n’est acquis d’avance.”
— M., 31 ans, solo poly depuis 6 ans
Autonomie ≠ solitude
Le solo polyamour n’exclut ni l’attachement, ni la stabilité, ni la durée.
Certain·es personnes vivent des relations de plusieurs années avec plusieurs partenaires, avec un fort investissement émotionnel.
Ce qu’elles refusent, c’est :
- la dépendance structurelle
- les injonctions à la cohabitation ou à la fusion
- la hiérarchisation implicite entre partenaires
Cette manière de vivre invite à repenser ce qu’est un “lien important”.
Ce n’est plus le statut juridique, le partage d’un toit ou la possession mutuelle qui définissent la valeur d’une relation, mais la qualité du lien et la liberté de chaque personne à y consentir pleinement.
Des appuis philosophiques et politiques
Le solo poly s’inspire de courants comme :
- le queer relationality (M. Barker, 2018), qui interroge les normes de genre et d’attachement
- l’anarchisme relationnel, qui refuse les règles figées en dehors du consentement mutuel
- la philosophie de l’interdépendance consciente, qui valorise le lien choisi plutôt que le lien imposé
On y retrouve aussi un écho des luttes féministes, anticapitalistes et neurodivergentes :
l’idée que chacun·e a le droit de modeler ses relations hors des scripts dominants, y compris si cela bouscule les cadres habituels.
Pratiques courantes et ajustements
Dans la vie concrète, les personnes solo poly :
- vivent seules ou en non-cohabitation choisie
- définissent leurs engagements en dehors des modèles classiques (pas de fusion financière, pas de coparentalité automatique)
- partagent un temps émotionnel fort, mais sans contrat implicite de “centralité”
Certain·es organisent leurs vies autour de plusieurs amours ; d’autres gardent une priorité à leur propre équilibre.
Beaucoup utilisent des outils comme :
- des “calendriers affectifs” partagés
- des temps de bilan relationnel
- des espaces de négociation régulière des attentes
À retenir
Le solo polyamour n’est pas un refus d’aimer, mais une manière d’habiter ses amours en liberté.
C’est un modèle qui offre de la place à l’autonomie, au consentement, à l’ancrage personnel — sans sacrifier la profondeur du lien.
Ce n’est pas un style de vie pour tout le monde.
Mais c’est une alternative puissante, qui donne à chacun·e la possibilité de vivre des relations pleines, choisies, et non codifiées par défaut.
Pour aller plus loin
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📚 Références
- Sheff, E. (2014). The Polyamorists Next Door: Inside Multiple-Partner Relationships and Families. Rowman & Littlefield.
- Barker, M. (2018). Queer: A Graphic History. Icon Books.
- Anapol, D. (2010). Polyamory in the 21st Century. Rowman & Littlefield.
- Veaux, F., & Rickert, E. (2014). More Than Two: A Practical Guide to Ethical Polyamory. Thorntree Press.
- Willey, A. (2016). Undoing Monogamy: The Politics of Science and the Possibilities of Biology. Duke University Press.
- Fern, J. (2020). Solo Poly: Thinking through Autonomy and Relationality. The Sociological Review.