ENM : Comprendre la non-monogamie éthique
Quand l’éthique remplace la norme
Dans un monde où la monogamie est souvent considérée comme la seule voie sérieuse de l’amour, certaines personnes choisissent de structurer leurs relations autrement.
Ce choix porte un nom : non-monogamie éthique, ou ENM (pour Ethical Non-Monogamy).
Il ne s’agit pas d’un modèle figé, ni d’un système unique.
Mais d’un cadre relationnel souple, construit sur deux fondations essentielles :
la non-exclusivité, affective ou sexuelle
le consentement explicite et informé de toutes les personnes concernées
La non-monogamie éthique n’est pas une forme unique de vie relationnelle. C’est un terme générique qui recouvre un ensemble de pratiques, structurées autour de valeurs partagées : transparence, responsabilité, autonomie et co-construction (Barker & Langdridge, 2010).
Un éventail de configurations possibles
Ce qui distingue l’ENM, c’est la pluralité.
Pas seulement des partenaires, mais aussi des manières de vivre les liens.
Voici quelques exemples de modèles inclus dans ce spectre :
- Polyamour : relations amoureuses multiples, durables et conscientes
- Relation ouverte : couple engagé qui s’autorise d’autres relations sexuelles ou affectives
- Libertinage : sexualité partagée ou parallèle, souvent dans des contextes codifiés
- Candaulisme, échangisme, côte-à-côtisme : pratiques spécifiques intégrées dans un cadre relationnel
- Anarchie relationnelle : rejet des hiérarchies implicites entre amour, amitié, sexualité
Ce qui les rassemble : une volonté explicite de remettre en question le modèle monogame normatif, non pas pour le fuir, mais pour choisir un mode de relation plus en phase avec sa manière d’aimer et de désirer (Conley et al., 2013 ; Sheff, 2014).
Le rôle central du consentement explicite
Dans l’ENM, le consentement ne s’arrête pas à l’accord sexuel ponctuel.
Il s’étend à toute la dynamique relationnelle :
- partager ou non certaines informations
- définir les limites mutuelles
- repenser la jalousie comme signal plutôt que menace
- ajuster les règles en fonction de l’évolution du lien
La notion de « consentement libre, éclairé, continu » est ici centrale.
Elle implique que chaque personne puisse dire oui, non, ou re-négocier, en dehors de toute pression affective ou normative (Moors et al., 2021).
Un espace pour déconstruire… et reconstruire
Vivre une relation ENM, c’est souvent traverser des questions profondes :
- Qu’est-ce que je considère comme une trahison ?
- Comment gérer le sentiment de ne pas être “l’unique” ?
- Est-ce que je me sens en sécurité dans un lien partagé ?
- Comment créer de la stabilité sans exclusivité ?
- De quoi ai-je besoin pour me sentir choisi·e ?
Ces interrogations ne sont pas des obstacles.
Elles sont le cœur même du processus.
C’est dans cet espace que s’inventent des pactes relationnels sur mesure.
Témoignage incarné
“Je n’avais jamais entendu le mot ENM. Je croyais que c’était soit la fidélité à deux, soit l’infidélité en douce.
Découvrir que d’autres formes existaient m’a ouvert un monde.
Avec mon partenaire, on a exploré le libertinage, puis la relation ouverte.
Aujourd’hui, on ne coche aucune case : on fait du nous, avec des temps pour soi, des règles claires, des ajustements réguliers.
C’est parfois inconfortable, mais c’est vivant. Et c’est nous.”
— Clara, 34 ans, relation ouverte personnalisée
ENM : pour qui, dans quelles conditions ?
Les personnes qui explorent l’ENM ne partagent pas toutes les mêmes raisons.
Certaines cherchent à vivre une sexualité plus libre.
D’autres veulent dissocier amour et exclusivité.
D’autres encore souhaitent éviter la fusion, préserver leur autonomie, ou respecter la diversité de leurs attirances.
Ce qui facilite l’expérience ENM :
- une communication honnête, même quand c’est inconfortable
- une autonomie affective suffisante pour ne pas tout attendre d’un seul lien
- une capacité à s’auto-réguler (émotions, envies, comparaisons)
- un cadre co-construit, révisable, sans ambiguïté
Selon Moors et al. (2021), les personnes en ENM rapportent en moyenne des niveaux équivalents ou supérieurs de satisfaction relationnelle, à condition que les accords soient clairs, et que chacun·e y adhère réellement.
À retenir
La non-monogamie éthique ne repose ni sur l’instinct, ni sur la provocation.
Elle suppose une véritable maturité relationnelle, une envie d’explorer en conscience, et une volonté d’assumer ses désirs sans instrumentaliser les autres.
C’est un espace dans lequel chacun·e peut poser ses propres règles, en restant attentif·ve à celles des autres.
Le lien devient alors un terrain de responsabilité partagée.
Un terrain où l’on apprend, où l’on tatonne parfois, mais où l’on peut aimer avec plus de lucidité, de liberté, et de vérité.
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📚 Références
- Barker, M., & Langdridge, D. (2010). Understanding Non-Monogamies. Routledge.
- Moors, A. C., Matsick, J. L., Ziegler, A., Rubin, J. D., & Conley, T. D. (2021). Sexual satisfaction and relationship satisfaction in consensual non-monogamy and monogamy. Journal of Social and Personal Relationships.
- Conley, T. D., Moors, A. C., Matsick, J. L., & Ziegler, A. (2013). The fewer the merrier?: Assessing stigma surrounding consensually non-monogamous romantic relationships. Analyses of Social Issues and Public Policy.
- Sheff, E. (2014). The Polyamorists Next Door. Rowman & Littlefield.