Anarchie relationnelle : liberté totale ou fausse bonne idée ?
Quand les liens ne se laissent plus enfermer
Et si on cessait de classer nos relations ?
Et si chaque lien pouvait être défini pour ce qu’il est, sans hiérarchie, sans statut figé, sans obligation préétablie ?
C’est la proposition de l’anarchie relationnelle : une approche radicalement libre des liens affectifs, amoureux, familiaux ou sexuels, dans laquelle les règles sont co-construites à chaque relation, et aucune forme de lien n’est considérée comme supérieure à une autre.
Une philosophie du lien horizontal
L’anarchie relationnelle s’inspire de l’anarchisme politique, dans sa volonté de déconstruire les systèmes de domination.
Dans cette logique, la hiérarchie affective — souvent présente dans les modèles conjugaux, familiaux ou même polyamoureux — est considérée comme un obstacle à l’authenticité.
Ce modèle propose de :
- créer chaque lien comme un espace unique, avec ses propres accords
- ne pas présumer des droits ou des priorités liées à un rôle (partenaire, ami·e, parent, ex…)
- refuser les scripts pré-écrits (vivre ensemble, partager un compte bancaire, se considérer comme “plus important·e” par défaut)
Comme le résume Andie Nordgren (2016), une des figures de référence du mouvement :
“Il n’y a pas une bonne manière d’être en relation. Il y a des manières consenties, ajustées, vivantes.”
À qui cela parle ?
L’anarchie relationnelle attire souvent des personnes :
- qui ne se reconnaissent dans aucun modèle relationnel conventionnel
- qui souhaitent explorer des formes de lien hors des catégories (amour, amitié, famille, sexe)
- qui ont un fort besoin d’autonomie, de consentement mutuel à chaque étape, et de liberté dans la définition du lien
Certaines personnes s’identifient comme anarchistes relationnel·les sans pour autant vivre plusieurs relations.
D’autres construisent des réseaux affectifs étendus, profonds, riches — sans centres fixes ni schémas imposés.
Témoignage
“Ma meilleure amie est aussi ma complice érotique.
Mon ex est toujours l’un de mes piliers.
Et l’une de mes amours les plus profondes dort dans un autre lit, dans un autre pays, sans que cela réduise la force du lien.
L’anarchie relationnelle m’a permis de ne plus classer les gens. Juste les aimer, avec lucidité et engagement.”
— S., 34 ans
Ce que cela implique
Concrètement, ce modèle repose sur :
- un dialogue constant avec chaque personne concernée
- une remise en question des automatismes relationnels (jalousie, exclusivité, cohabitation, durée…)
- une capacité à co-construire des accords spécifiques à chaque lien, sans chercher à les normaliser
Les personnes qui adoptent ce modèle parlent souvent :
- de cartographie du lien, pour définir ce que chaque relation implique (temps, émotion, sexualité, care)
- de relation choisie et ajustable, plutôt que de rôle attribué par avance
- de démarche politique autant que personnelle, en lien avec les luttes queer, féministes ou décoloniales
Une autre façon de penser l’amour et le care
L’anarchie relationnelle propose une redéfinition complète de ce qui compte.
Elle ouvre la porte à une vision où :
- l’amitié peut être aussi centrale que l’amour romantique
- la durée n’est pas un gage de valeur
- la hiérarchie n’est pas une preuve d’engagement
- la singularité du lien devient la base du contrat
Cette approche exige de la rigueur, de l’écoute, et une très bonne connaissance de soi.
Elle ne cherche pas à simplifier les relations, mais à les rendre plus justes, plus choisies, plus vivantes.
À retenir
L’anarchie relationnelle est une philosophie du lien sur mesure, qui place le respect mutuel, le consentement actif, et la co-création au cœur de toute relation.
Elle ne propose pas un mode d’emploi universel.
Elle offre un espace pour celles et ceux qui souhaitent inventer leurs propres formes de relation, loin des scripts normés, avec audace, soin et clarté.
Pour aller plus loin
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📚 Références
- Nordgren, A. (2016). The Short Instructional Manifesto for Relationship Anarchy.
- Barker, M., & Langdridge, D. (2010). Understanding Non-Monogamies. Routledge.
- Willey, A. (2016). Undoing Monogamy: The Politics of Science and the Possibilities of Biology. Duke University Press.
- Fern, J. (2022). Relationship Anarchy: A Decade of Practice. The Sociological Review.
- Haritaworn, J., Lin, C. J., & Klesse, C. (2006). Poly/logue: A critical introduction to polyamory. Sexualities.
- Simula, B. L. (2019). Asexuality and relationship anarchy: Making the family of choice work. Journal of Homosexuality