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Pour vivre heureux, vivons cachés (je ne veux pas ruiner ma réputation)

Cet article est associé à l’outil En parler ou pas? gérer le regard social. Tous les outils et articles sont à retrouver dans le parcours thématique (Bien) Vivre la non-exclusivité

Entre discrétion choisie et invisibilisation subie

Quand on vit une relation qui sort du cadre dominant, il arrive un moment où la question se pose. Est-ce qu’on en parle ? Est-ce qu’on garde ça pour soi ? Est-ce qu’on dit les choses telles qu’on les vit, ou est-ce qu’on les tait pour se préserver, nous et nos proches ?

Vivons cachés

S’afficher, c’est prendre des risques.
Risque de perdre en crédibilité, y compris dans des sphères qui n’ont rien à voir avec sa vie relationnelle.
Risque de voir des proches réagir mal, parce qu’ils ne comprennent pas, qu’ils jugent négativement ou parce qu’ils n’acceptent pas qu’on s’autorise ce qu’ils se refusent.

Souvent, ne pas vivre selon les normes dominantes de la société dans laquelle on évolue, ça dérange. Quelques fois violemment.

Si on choisit de se montrer, ce n’est pas seulement s’exposer soi, c’est aussi exposer d’autres : les partenaires, les enfants, la famille.
Et ce regard social, encore largement imprégné de normes autour de l’exclusivité sexuelle et affective, projette des clichés, des jugements rapides, des hypothèses toutes faites.

Alors on cache, mais cacher, ce n’est pas rien, c’est porter le poids du secret.
C’est devoir penser à tout : ce qu’on dit, ce qu’on ne dit pas, qui est au courant, qui ne l’est pas, comment éviter les situations à risque, comment justifier une absence, une photo, une présence.
C’est peut-être renoncer à des moments simples : sortir dîner, marcher dans la rue, avoir un geste d’affection pour quelqu’un qui n’est pas son partenaire officiel.

Nous sommes les produits de note société et de notre culture. Même en ayant choisi un mode de vie alternatif, certaines normes ont été internalisées et le parcours pour s’en défaire n’est pas toujours évident. La honte ne vient pas toujours de l’extérieur, le sentiment d’être inadéquat, problématique, résonne en soi, par cette part du jugement général qu’on a intégré en nous. Les discours normés vient en nous et sont répétés, amplifiés par le discours général, les films les séries qui souvent répètent le même message. Ce qu’on devrait vivre, ressentir, faire dans notre vie affective et sexuelle est assez clair dans le message dominant.
On peut se sentir libre dans les faits, mais encore contraint dans les tripes.
La douleur n’est pas dans la relation. Elle est dans la manière dont la société la regarde, la classe, la condamne, dans la stigmatisation.

Garder le secret c’est aussi s’exposer à ce qu’il nous échappe sans qu’on puisse le contrôler. Si quelque chose est vu, l’hypothèse par défaut, dans la société actuelle, ce ne sera pas “relation ouverte”, ce sera “infidélité”. Et là, les conséquences suivent : honte pour celle ou celui qu’on pense trahi·e, jugements de condamnation, récits détournés, complicité mal placée.

Il est bien légitime, alors de vouloir se protéger et protéger ses proches en taisant. De n’avoir pas l’envie ni l’énergie de devoir raconter, expliquer, justifier à un entourage qui risque de ne pas nous comprendre, de nous culpabiliser. De nous réduire à notre sexualité.

Alors pourquoi on dit ?

La société est en évolution, et commence à faire de la place aux modes alternatifs. Avoir envie d’être aligné entre ce qu’on ressent, nos convictions et nos modes de vie peut amener à vouloir simplement vivre sans se cacher et assumer nos choix de vie. L’énergie dont on dispose semble mieux investie dans des domaines plus importants que maintenir le secret, adapter le discours, faire semblant. Parce qu’on n’a pas envie de se restreindre. Se comporter comme si on avait honte de notre mode de vie alors qu’il est un choix profondément personnel dans lequel on croit, ben on n’en a simplement pas envie. Parce qu’on veut vivre en accord avec ce qu’on est, qu’on ne fait de mal à personne, finalement. Qu’on a envie de pouvoir poser les choses telles qu’elles sont, sans mise en scène, sans détour, sans peur.
Et sentir que ce qu’on vit n’est pas une bizarrerie à justifier, mais un mode de vie qu’on peut habiter.

On n’a pas envie non plus de se priver de partages authentiques, de la possibilité de discussions passionnantes sur le sujet, ou de la possibilité de trouver du réconfort dans les situations plus compliquées quand on a besoin de se confier, d’être entendu, soutenu.

Trouver une voie intermédiaire

On peut choisir la voie intermédiaire, choisir ses lieux d’expression, ne pas tout exposer ni tout dissimuler, parler dans certains contextes et à se taire dans d’autres, en fonction de ce qui est possible, soutenant ou simplement pas risqué.

On peut décider de parler dans des espaces où les valeurs sont proches, où l’écoute est réelle, où on n’a pas à se justifier ou à défendre chaque détail de son mode de vie. Ce ne sont pas toujours des espaces militants ou parfaitement alignés, mais ce sont des lieux où la bienveillance est suffisamment présente pour que la conversation soit possible, même si tout n’est pas partagé. Des groupes de parole, un cercle d’amis choisis, un·e thérapeute formé·e à ces questions, une communauté qui accueille sans réduire. Pouvoir dire ce qu’on vit sans le recoder ni l’édulcorer permet souvent de retrouver un sentiment d’alignement, même partiel.

En parallèle, on peut choisir de rester discret dans d’autres sphères, parce que les conséquences seraient trop lourdes, ou simplement parce qu’on n’a ni le désir ni l’énergie de s’exposer dans un environnement peu réceptif. Cela peut concerner la famille, le milieu professionnel, certains amis qu’on aime mais avec qui la conversation ne serait ni possible ni utile. Ce n’est pas forcément un renoncement, c’est une manière de choisir ses batailles, de garder la main sur ce qu’on expose et à qui.

Ce fonctionnement implique de se souvenir de qui sait quoi, d’ajuster les récits sans se trahir, de rester cohérent avec des versions multiples du même vécu. C’est parfois pesant, mais ça permet d’avancer sans se couper entièrement de ce qu’on vit.

Trouver une voie intermédiaire, ce n’est pas chercher un compromis tiède. C’est une manière de rester en cohérence avec soi tout en tenant compte du monde tel qu’il est…en attendant le moment où on pourra librement être soi, être nous, sans jugements.

On rêve d’un monde où ce qu’on vit pourrait être dit simplement, sans qu’il faille se défendre ou se justifier, où les liens qu’on tisse n’auraient pas à être traduits dans des cases pour être entendus. Un monde où la bienveillance serait la norme, pas l’exception. Mais en attendant que cette vision devienne réalité, peut-être qu’on peut s’offrir le droit de choisir, entre les zones où on s’expose sans se risquer et celles où on garde le privé « privé » pour se protéger?

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