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Égalité, compromis, équivalence : 3 modèles pour réinventer le couple

Quand un couple commence à envisager une autre manière de se lier — que ce soit par curiosité, par nécessité ou par désir — une série de négociations fines s’engage. La non-exclusivité, quelle qu’en soit la forme, confronte à des tensions fondamentales : comment rester ensemble sans faire exactement la même chose ? Comment ne pas se perdre quand les envies diffèrent ? Et surtout, comment rester justes l’un envers l’autre ?
Dans ces ajustements, trois logiques apparaissent souvent : l’égalitéle compromis, et l’équivalence. Chacune a sa cohérence. Chacune a ses limites.


L’égalité : symétrie des gestes, mais pas forcément du sens

C’est souvent la première tentative, celle qui rassure. Si tu vois quelqu’un, je peux voir quelqu’un. Si tu couches ailleurs, j’ai le droit aussi. Chacun·e fait pareil, en miroir.

Cette logique semble équitable. Elle permet de limiter la sensation de déséquilibre. Mais elle repose sur une vision symétrique, et non pas forcément équitable : ce qui a du sens ou du poids pour l’un n’a pas nécessairement la même valeur pour l’autre.

Prenons un exemple courant : une personne A a un désir fort d’ouvrir la relation de manière émotionnelle et sexuelle. Personne B, moins à l’aise, propose de “tester” en se forçant à coucher avec quelqu’un, “juste pour équilibrer”. Personne B vit alors une expérience vide, parfois même douloureuse, mais se sent tenue de la faire pour que ce soit « juste ». Le lien s’équilibre en surface, mais se déforme en profondeur.

C’est ici que la logique du jeu à somme nulle s’infiltre : ce que l’un vit est vu comme un gain qu’il faut compenser. L’autre se sent obligé de “reprendre” une part pour ne pas être lésé. Or, dans un lien qui se veut libre, les expériences de chacun ne devraient pas être vues comme des pertes ou des dettes. Cette logique ne fait que renforcer une forme de contrôle mutuel, là où il devrait y avoir espace et confiance.


Le compromis : chacun cède un peu, et parfois trop

Quand l’égalité devient invivable, on cherche un compromis. Ce terrain d’entente semble plus mature : “Je préférerais être monogame, mais je vais accepter une rencontre par an.” “Je n’ai pas envie que tu tombes amoureux·se, mais je peux tolérer du sexe sans attachement.” “Tu peux voir quelqu’un d’autre, mais pas dans notre lit, ni le week-end.”

Ces accords partent souvent d’une bonne intention : préserver le lien, éviter la rupture. Mais ce sont des accords défensifs. Ils se fondent sur des renoncements, pas sur des désirs. Chacun cède une part de ce qui lui est essentiel, parfois en silence, pour que ça tienne.

Et souvent, cela ne tient pas. Parce qu’on ne peut pas bâtir une relation vivante sur une série de limites négociées par peur. Parce qu’au bout du compte, personne ne s’y retrouve vraiment. Parce que le compromis entretient l’illusion que le lien peut rester stable en surface, alors qu’il est en train de muter en profondeur.


L’équivalence : ajuster sans uniformiser

L’équivalence propose une autre voie. Elle ne cherche pas à tout rendre égal, ni à couper la poire en deux. Elle assume que chacun est différent, que ses désirs, ses besoins, ses limites ne se superposent pas forcément, mais qu’ils peuvent être reconnus comme légitimes dans la relation.
Une personne peut vivre une relation secondaire intense et émotionnelle. L’autre, rien de tel, mais un fort besoin de temps seul, ou un investissement dans une activité qui le/la nourrit profondément. Ce n’est pas symétrique. Ce n’est pas « équivalent » dans les faits. Mais ça peut l’être dans la valeur reconnue à chaque besoin.

L’équivalence repose sur une idée simple mais radicale : ce que chacun vit n’a pas à être identique pour être juste. Le lien ne se mesure pas à ce que chacun fait, mais à la manière dont chacun est respecté dans sa singularité.

On passe alors dans une logique de somme non nulle : ce que l’un vit à l’extérieur n’est pas vu comme une perte pour le couple, mais comme une source d’énergie possible. L’ouverture de l’un peut nourrir le lien. La stabilité de l’autre peut en être le socle.
Encore faut-il sortir de l’illusion que le bonheur de l’un vole quelque chose à l’autre.


Ce qu’on ajuste : les comportements ou les valeurs ?

C’est peut-être là que se joue la différence la plus profonde.
L’égalité et le compromis cherchent à réguler les comportements : qui fait quoi, quand, avec qui, dans quelles limites. On négocie des gestes. On surveille des écarts. On crée des règles pour limiter les frictions.

Mais ces ajustements comportementaux peuvent parfois entrer en conflit avec les valeurs fondamentales de chacun. On peut accepter une règle « par amour », tout en sentant qu’elle heurte notre vision du lien, ou nous pousse à renoncer à ce qui est vivant pour nous.

L’équivalence, à l’inverse, s’appuie sur des valeurs communes : respect mutuel, liberté, sincérité, engagement choisi, acceptation des différences. Ce socle partagé permet des formes très diverses de vivre le lien, sans chercher à tout normer. On ne se demande plus uniquement ce que l’autre fait, mais dans quelle intention, avec quelle éthique, et dans quelle dynamique relationnelle cela s’inscrit.

Là où les autres modèles reposent sur un équilibre des actions, l’équivalence construit un alignement des intentions. Et cela change tout.


Penser autrement l’équilibre

Sortir de la monogamie, ce n’est pas seulement changer des règles. C’est changer de paradigme : passer d’un modèle uniformisant à un modèle ajusté. Cela demande de repenser ce qu’on appelle “équilibre”. De passer de la symétrie au respect. De la comparaison à la co-création.

Et peut-être que la vraie question à se poser n’est plus : “Est-ce qu’on fait la même chose ?”, mais plutôt :
“Est-ce que chacun de nous peut encore se sentir libre, digne, et vivant dans ce lien ?”

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